Les Français ont-ils raison d’être préoccupés par l’état de notre système de santé ?
La teneur et la virulence des échanges lors du dernier débat du Cercle des élus locaux n’ont laissé aucun doute : oui notre système de santé va mal, il est gravement malade et la situation devient catastrophique. Près de 7 millions de Français n’ont pas de médecins traitants et près d’un tiers de nos concitoyens renonceraient à se soigner faute de trouver un médecin. Pourtant les dépenses de santé continuent de croître sans contrôle ni visibilité, pour atteindre 310 milliards d’euros en 2024, soit 12% de notre produit intérieur brut.
Les élus locaux sont en première ligne face à cette situation et cherchent des réponses au désarroi de leurs administrés. Les déserts médicaux ne touchent pas seulement les territoires ruraux, les villes petites et grandes sont aussi concernées par la pénurie de médecins et de professionnels de santé.
Ce mardi 1er juillet, le Cercle des élus locaux a souhaité donner la parole aux acteurs de la nouvelle controverse qui oppose les tenants d’une certaine égalité républicaine aux défenseurs farouches de la liberté des médecins. « Quand les déserts médicaux avancent, c’est la République qui recule ! » a déclaré Guillaume GAROT, député de la Mayenne. Il est l’auteur d’une proposition de loi sur la régulation de l’installation des médecins actuellement débattue au parlement et combattue dans la rue par les médecins libéraux.
Cette liberté d’installation des médecins doit-elle s’arrêter là où commencent les déserts médicaux ? C’est ce que pense Philippe VIGIER, député d’Eure et Loire, ancien ministre de l’Outre Mer et médecin lui-même. Il estime que « les médecins doivent accepter certaines contraintes au nom du nécessaire accès aux soins pour le plus grand nombre ». « Les dentistes, les sages femmes, les infirmiers libéraux sont bien soumis à des règles de régulation géographiques pour leur installation, alors pourquoi n’en serait-il pas de même pour les médecins libéraux ? ».
Pour Stéphanie RIST, députée du Loiret, rapporteure générale de la commission des affaires sociale et rhumatologue de son état, la régulation n’est pas la solution et risquerait même d’aggraver la situation. « Il est vain de vouloir réguler la pénurie, et cette loi Garot va aggraver la situation. Les jeunes médecins vont préférer devenir salariés et les plus âgés vont choisir de partir plus tôt à la retraite, donc on risque d’aggraver le mal ! ». Mieux vaudrait selon elle élargir les compétences de certaines professions de santé, notamment les infirmiers et les pharmaciens, simplifier et optimiser les parcours de soins.
Jérome MARTY, président de l’Union Française de la Médecine Libre (UFML), et médecin lui aussi, s’oppose fermement au projet de loi Garot. Il estime que les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) sont un échec et qu’il faut revenir à une véritable politique d’aménagement du territoire. « C’est parce qu’on a abandonné des pans entiers de territoires urbains et ruraux au nom de la rentabilité des services publics que nous en sommes là ! » Pour Jérôme MARTY, « il est urgent d’aller vers les invisibles, tous ceux qui passent sous les radars et qui ont le plus besoin d’un accès aux professionnels de santé, et donc réinventer les visites à domicile ».
Philippe VIGIER considère « qu’il faut responsabiliser les Français sur le coût de la santé, la gratuité totale n’est pas la solution ». Près de 15 millions de Français bénéficient du dispositif des affections longue durée (ALD), soit près de 20% de la population qui sont pris en charge à 100%. La dérive des dépenses de santé n’est plus tenable, il faut mettre un pilote dans l’avion de nos dépenses de santé ! ». Il propose notamment de rendre obligatoire l’application « mon espace santé », véritable carnet de santé numérique de chaque citoyen, pour tracer les dépenses de chacun et limiter les abus.
Pour Jérôme Marty, il importe aussi d’aligner les rémunérations des médecins hospitaliers sur celles des médecins de ville, car « l’hôpital est lui aussi un désert médical, avec 25% des postes qui ne sont pas pourvus ». Les disparités de rémunérations nourrissent cette désaffection des hôpitaux publics et accroissent la tension sur l‘offre de soins. Et le Président des médecins libéraux de proposer de « mobiliser les moyens considérables des mutuelles de santé qui sont assises sur un pactole de quelque 80 milliards d’euros».
Les élus locaux sont donc une partie de la solution, et ils doivent s’imposer comme partenaires actifs de la remise en ordre de notre système de santé. Confrontés quotidiennement à la crise de la démographie médicale, à la désertification et au vieillissement de la population, ils sont déjà pour beaucoup d’entre eux mobilisés pour aider les professionnels de santé à trouver un équilibre entre leur vie professionnelles et leur vie privée. Leur capacité à proposer une approche globale permettra de réussir l’indispensable coopération et coordination entre les professionnels de santé présents sur leur territoire pour donner à tous nos concitoyens un égal accès aux soins. Sébastien Podevyn, expert technique en politiques publiques de santé, a également apporté un éclairage précieux lors de cet apéro débat, en partageant une analyse approfondie sur les leviers d’attractivité des territoires et les stratégies de santé territoriale.
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