Le Cercle des élus locaux s’est réuni mardi 8 avril dernier au moment même où l’assemblée nationale débattait de la réforme du mode de scrutin de Paris, Lyon et Marseille (PLM). Si le sujet à l’évidence ne passionne pas les Français, il agite sérieusement le monde politique et propose une nouvelle version de la querelle des anciens et des modernes. Car cette réforme, sans en avoir l’air, pourrait avoir des conséquences inattendues…
Gaston DEFERRE, le père des lois de décentralisation de 1982/83, doit se retourner dans sa tombe car l’Assemblée Nationale vient en effet de décider de détricoter sa loi dite « PLM » pour Paris-Lyon-Marseille. L’ancien ministre de l’Intérieur de François Mitterrand l’avait imaginée il y a quarante ans pour conserver sa mairie de Marseille, en instituant une élection non pas à l’échelle de la commune mais à celle des secteurs . Avec 10 000 voix de moins que son adversaire Jean-Claude Gaudin, il avait réussi à être réélu maire de la cité phocéenne en 1983 !
Depuis 4 décennies les électeurs des trois premières villes de France n’élisent pas directement leur maire, contrairement aux 35 952 communes de France. L’élection a lieu au niveau de chaque arrondissement (Paris et Lyon) ou secteur (Marseille), et non à l’échelle de la commune. Emmanuel Macron, réélu Président de la République en 2022, a annoncé dès le début de son mandat sa volonté de changer le mode scrutin de Paris, Lyon et Marseille pour les faire rentrer dans le droit commun. Il aura fallu attendre le Gouvernement de François Bayrou pour que la réforme soit inscrite à l’ordre du jour, à moins d’un an des prochaines élections municipales de Mars 2026.
Jean-Pierre LECOQ, le maire du 6ème arrondissement réélu depuis 1994, est favorable à cette réforme qui prévoit le même jour deux élections bien distinctes, dans deux urnes séparées et avec deux listes différentes : celle des conseils d’arrondissements et celle du conseil municipal. Devant les invités du cercle des élus locaux, il affirme sans ambages que «les maires d’arrondissement n’ont aujourd’hui aucun pouvoir. Ils ont essentiellement un pouvoir déclaratif et de communication, donc il faut passer à autre chose. Cette réforme va permettre aux parisiens de choisir directement leur maire et de lui donner une vraie légitimité. » Soutien de Rachida DATI, candidate à la mairie de Paris et favorable elle aussi à cette réforme, le maire du 6ème arrondissement ne mâche pas ses mots et fustige ceux qui prétendent conserver un système vermoulu, dépassé et inefficace.
Geoffroy BOULARD, le maire du 17ème arrondissement, est lui farouchement opposé à cette réforme. « On a mis la charrue avant les bœufs, il aurait fallu commencer par redéfinir les compétences et décider qui fera quoi demain entre les arrondissements et la commune. Cette réforme est précipitée et n’a pas vraiment été préparée ». A ses yeux les arrondissements ont une vraie légitimité pour faire vivre la démocratie de proximité. « Avec deux élections séparées, le risque est de perdre le lien avec les citoyens. On aura d’un côté des élus d’arrondissement sans moyens ni pouvoirs et de l’autre des élus communaux qui ne seront plus représentatifs des arrondissements ». Et le maire du 17ème arrondissement de dénoncer avec cette réforme la probable reprise du pouvoir par l’administration centrale, donc un recul de la démocratie locale.
Pour Sylvain BERRIOS, député du Val de Marne et ancien maire de Saint-Maur-des-Fossés, l’impact de cette réforme pour le Grand Paris ne doit pas être mésestimé. Car au-delà du microcosme parisien, c’est le système métropolitain du Grand Paris qui est en jeu et pourrait être chamboulé. « Réforme après réforme, on a construit un millefeuille institutionnel tellement complexe que plus personne ne le comprend. L’enchevêtrement des compétences est tel que plus personne en sait qui est responsable de quoi ! Le risque c’est d’abimer la relation avec les citoyens qui ne se reconnaitront plus dans leurs élus et de faire reculer la démocratie ». Avec six niveaux d’administration (Commune, territoire, métropole, département, région, Etat), le Grand Paris est en effet devenu illisible au risque de l’impuissance. Alors rajouter les arrondissements n’arrangera rien…
A Lyon, on est réservé sur cette réforme du mode de scrutin municipal car elle rendrait encore plus illisible la répartition des pouvoirs locaux. Dans la capitale des Gaules, les électeurs désignent déjà au suffrage universel le président de la Métropole. Alors ajouter une troisième urne le jour du scrutin ça risque de faire beaucoup. Raison pour laquelle les lyonnais tentent d’échapper à la réforme et de conserver pour eux seuls le système actuel d’une seule élection à l’échelle des 9 arrondissements.
A Marseille, le maire Benoit PAYAN dénonce « l’anomalie démocratique » que constitue la loi PLM. Il est favorable à une réforme porteuse de plus de clarté à ses yeux. Il est soutenu par Frank ALLISIO, député de Marseille et candidat pour lui succéder, qui ne souhaite pas que l’on refasse le coup de Gaston Defferre en 1983. « Cette réforme permettra aux marseillais d’élire leur maire dans la clarté et de mieux représenter les forces politiques locales dans le conseil municipal ». Ce que contestent Renaud MUSELIER et son poulain Romain SIMMARANO qui voient dans ce nouveau mode de scrutin un « tripatouillage électoral et une absurdité politique, technique et financière ».
L’alliance des partisans de cette réforme au sein du palais Bourbon est inédite. Il est probable que les équilibres seront différents au sein du palais du Luxembourg qui en sera saisi début juin. A l’Assemblée, Renaissance, LFI et le RN poussent cette réforme car ils se sont entendus sur le calcul de la nouvelle prime majoritaire donnée à la liste arrivée en tête. Fixée à 25%, cette prime est le moyen de favoriser une représentation plus équilibrée de chaque force politique au sein des conseils d’arrondissements ou de secteurs comme des conseils municipaux. Cette avancée vers une représentation proportionnelle au sein des conseils d’arrondissements et conseils municipaux dérogerait au droit commun, mais qui nous dit que demain elle ne deviendra pas la règle pour toutes les communes de France? Avec le risque alors de majorités relatives, et donc de l’incapacité à incarner et à faire avancer l’intérêt général local.
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