Décentralisation : “la position d’Eric WOERTH est claire : la décentralisation, ça marche ! “

Entretien avec les co-fondateurs du Cercle des élus locaux : Etienne LENGEREAU, maire de Montrouge, et Hugues ANSELIN, Président du cabinet Fursac-Anselin

Le Cercle des élus locaux a reçu Eric WOERTH, ancien ministre, chargé par le Président de la République d’un rapport sur le devenir de la décentralisation, mardi 5 mars dernier.
Quels enseignements en avez-vous tirés?

Etienne LENGEREAU. « la position d’Eric WOERTH est claire : la décentralisation « ça marche ! ». Selon lui, dans notre pays, « les services publics locaux fonctionnent, les villages et les villes sont globalement bien gérés et les équilibres entre les territoires sont préservés. Il n’est donc pas utile ni opportun de tout chambouler ! Il faut au contraire, a bien précisé l’ancien maire de Chantilly, procéder à des réglages fins et ciblés pour que le système actuel fonctionne mieux, que chacun des niveaux d’administration soit pleinement responsable et qu’il ait les moyens d’agir ». Personnellement je reconnais que comme certains dans notre assemblée qui était très nombreuse mardi soir ce constat avait de quoi surprendre.

Il est vrai qu’il a ajouté qu’il était convaincu que « chacun des niveaux peut et doit mieux travailler ensemble, en partant des besoins des communes qui doivent être le « point d’entrée » de toutes les politiques publiques ». Ce n’est pas moi qui irais le contredire sur ce point ! Pas question non plus pour lui de créer un nouvel impôt, on ne reviendra pas sur la suppression de la taxe d’habitation a-t-il affirmé, mais on pourrait territorialiser des impôts nationaux pour intéresser les élus locaux aux résultats de leur action. »

 

 

Hugues ANSELIN. « Ce que nous avons vécu mardi soir est emblématique de ce que nous voulons pour le Cercle des Elus : nos invités arrivent avec parfois quelques certitudes qui peuvent être bousculées par les analyses de nos intervenants. Aussi, mardi, nos invités ont pu mesurer la profondeur de l’analyse d’Eric Woerth sur la décentralisation, qui s’apparente à une forme de sagesse. Il est tout le contraire d’un révolutionnaire et cela a pu décevoir ceux qui croient encore au « grand soir ».
En considérant en effet que chacun des niveaux actuels a sa pertinence et sa légitimité, il a affirmé que la commune doit rester la cellule de base de notre démocratie locale.
Je crois qu’il a raison : le maire doit être le premier de cordée et non le dernier informé !
Eric Woerth estime aussi que le département est essentiel pour garantir la solidarité et les équilibres entre territoires urbains et ruraux, et qu’il faut préserver ses missions et lui donner les moyens règlementaires de s’adapter aux réalités de chaque territoire. Il affirme que les régions ont vocation à prendre de nouvelles responsabilités, dans les domaines de la santé et de l’enseignement supérieur par exemple ».
Je pense qu’il faut dans ces perspectives que les élus soient prêts, que leurs équipes non contentes d’être renseignées sur ces sujets soient en capacité de réagir, de prendre des risques et d’innover.

Le Cercle des élus locaux a commandé à l’IFOP un sondage sur l’évolution de la perception qu’ont les Français de la décentralisation, qui a été présenté au début de votre débat, qu’en retenez-vous ?

Hugues ANSELIN. « Oui, nous avons eu l’idée de ce sondage avec l’IFOP dans la perspective de notre échange avec Eric WOERTH, et Frédéric DABI, le directeur de l’IFOP est venu en présenter les résultats à nos invités. Livrer des outils concrets, proposer un débat sur des informations tangibles c’est là aussi la vocation du Cercle. Alors que disent les Français dans ce sondage ?
Là encore pas de révolution mais des tendances intéressantes qui permettent d’enrichir la réflexion de chacun. Ce sondage confirme que les Français sont toujours aussi attachés à leur commune et à la personne du Maire, ce qui va dans le sens de ce que nous a dit Eric WOERTH, la commune cellule de base de la démocratie locale, et c’est encore plus vrai pour les plus jeunes, ce qui est plutôt encourageant ! Et plus globalement le sondage confirme que les Français font assez largement confiance aux trois niveaux de collectivités locales, communes, départements et régions et qu’ils jugent positivement l’action de leurs élus locaux. Ils souhaitent que l’Etat réduise sa tutelle et leur donne davantage de moyens d’agir, notamment financiers. Cela aussi va dans le sens de l’analyse d’Eric WOERTH, qu’il ne faut pas tout bousculer mais plutôt perfectionner un système qui fait globalement ses preuves.

Etienne LENGEREAU. « Nous savions que ce sondage tomberait à point nommé car il éclaire utilement nos débats sur la décentralisation, en particulier sur deux enjeux qui font l’actualité. D’abord sur la question du retour à une forme de cumul des mandats, l’enquête indique clairement un changement de pied de la part des Français qui ont perçu que nombre de parlementaires pouvaient être déconnectés des réalités locales. Mais s’ils ne sont pas opposés au principe d’un retour au cumul de mandats locaux et nationaux, ils souhaitent « en même temps » que leurs chers élus locaux se concentrent sur leur mission et soient à leur côté, en proximité. Donc à mon avis le débat ne fait que commencer, et je ne parierai pas qu’une majorité se dessine au parlement pour un retour du cumul…

La deuxième surprise du sondage est la désapprobation très nette des Français pour le principe de différentiation territoriale. Ils sont largement favorables au maintien du principe d’égalité qui assure partout en France la même organisation territoriale. Ce sondage constitue donc un éclairage utile et précieux à l’heure où certains prétendent accorder plus d’autonomie à certains territoires, périphériques ou non…