Plan eau : « du Pip’eau » pour le Grand Paris

Le Moniteur, le 19 octobre, par Laurent Miguet

« C’est le plan le plus Pip’eau que j’aie jamais connu ». Vice-président de la métropole du grand Paris en charge de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, Sylvain Berrios commente en ces termes les 53 mesures du plan Eau de l’Etat, six mois après son lancement. Il s’en est expliqué le 17 octobre, à l’apéro-débat mensuel du Cercle des élus locaux.

Sylvain Berrios, vice-président de la métropole du Grand Paris chargé de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations

Impressionnant, mais insuffisant : chantier phare de la métropole du Grand Paris (MGP) au titre de sa compétence dans la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi), le casier (réservoir) de La Bassée (

Seine-et-Marne ) a justifié un aquaprêt de la Banque des territoires . L’entité de la Caisse des dépôts dédiée aux collectivités locales a débloqué 100 M€ pour un remboursement en 60 ans .

La menace de crues persiste

« Bien qu’il n’existe pas de modélisation fiable de la crue historique de 1910 tenant compte des surfaces artificialisées et des aménagements hydrauliques réalisés depuis lors, l’estimation du besoin tourne autour de huit casiers. A moins d’un relèvement massif de la taxe Gemapi, la métropole ne peut pas envisager cet investissement de 800 M€ . En l’absence de financement spécifique, le plan eau ne nous aide en rien sur ce dossier », dénonce Sylvain Berrios, vice-président de la MGP.

Plus encore que l’absence de financement, l’élu en charge de la Gemapi fustige la carence de l’Etat dans la définition d’objectifs clairs, pour chapeauter les 53 mesures du plan. Sur ce point, le banquier du Crédit agricole en charge de l’eau l’a rejoint, le 17 octobre lors de l’Apéro-débat du Cercle des élus locaux consacré à l’eau : « Pour les bons projets, il y a de l’argent » , affirme Gianmarco Servetti.

Déficit de Sage

Quatre critères conditionnent sa définition du « bon projet » : un cahier des charges clairs ; un tarif qui permet d’équilibrer les coûts ; un montage juridique solide ; et enfin, un calendrier prévisionnel crédible. Globalement d’accord, Sylvain Berrios ne peut que constater qu’à l’échelle nationale, la seconde condition fait défaut : « Quand bien même l’Etat respecterait son engagement à cesser de ponctionner le budget des agences de l’eau, cela ne suffirait pas à résoudre la question du financement ».

Sur le plan de la gouvernance, l’objectif de généralisation des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) recueille l’approbation de principe de l’élu du Grand Paris. Mais il y ajoute une bonne dose de scepticisme, en l’absence d’obligation réglementaire. L’expérience lui donne raison : créées par la loi sur l’eau de 1992, les Sage ne couvrent aujourd’hui que la moitié du territoire de la France métropolitaine.

Sobriété : la référence lilloise

Objectif affiché de l’Etat, le décuplement des volumes d’eaux usées traitées (Re-UTE), qui passerait de 1 à 10 % d’ici à 2030, trouve néanmoins grâce aux yeux de Sylvain Berrios . « Compte tenu du coût de l’assainissement qui représente la moitié de la facture d’eau, il s’agit d’une mesure à la fois économique et environnementale », approuve-t-il. De même, Sylvain Berrios adhère à l’objectif officiel de sobriété.

Dans ce domaine, l’engagement de Veolia dans la métropole européenne de Lille, entre 2024 et 2033, fait figure de référence : inspirée par les contrats globaux de performance énergétique, la collectivité rémunère son délégataire en proportion des économies qu’il réalise. Ce montage marque une rupture avec un modèle économique dans lequel les recettes croissent avec les volumes consommés.

Les premiers fruits du Re-UTE

Vice-président de la métropole de Nice et directeur délégué aux affaires publiques de Veolia, Pascal Condomitti présente les outils qui rendent possible l’exécution du contrat lillois : « La systématisation des télérelevés permet la détection des fuites en moins de 48 h , là où il fallait attendre jusqu’à six mois pour réagir. Un réseau de 5000 capteurs complète ce dispositif dans le réseau de distribution ».

Veolia peut également présenter le premier bilan de plusieurs expérimentations de Re-UTE : grâce à cette ressource utilisée pour l’arrosage du golf et des espaces verts, Sainte-Maxime ( Var ) économise 12 % de ses consommations d’eau potable. Dans un vignoble du Languedoc-Roussillon, l’économie d’intrants chimiques s’ajoute à celle de la ressource aquatique, comme le prouve la comparaison entre deux vignes : les plants arrosés par le Re-UTE se développent mieux, grâce aux apports en phosphate et nitrate .

Freins règlementaires

Sur la voie de la généralisation de ces nouvelles pratiques, les barrières réglementaires restent souvent dissuasives, surtout à l’échelle des bâtiments. « Entre les ministères chargés de l’Ecologie, de l’Agriculture et de l’Industrie, on ne sait jamais vraiment qui pilote la politique de l’eau » , note Etienne Lengereau, maire de Montrouge (Hauts-de-Seine) et président du Cercle des élus locaux. Il aurait pu ajouter le ministère de la Santé, souvent identifié comme un frein majeur au recyclage des eaux de pluie dans les bâtiments.

La présentation des chantiers pilotes de Veolia a suscité une question d’une élue : « Pourquoi n’existe-t-il pas une plateforme publique et indépendante pour présenter les retours d’expérience des collectivité » ? Sur le modèle d’autres organismes qui encadrent les infrastructures de transport ou de télécommunication, l’idée d’une autorité de régulation de l’eau fait son chemin.

source : article Le Moniteur