«Les collectivités locales à l’épreuve du défi humain», Hugues Anselin | L’Opinion

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«L’ensemble de la chaîne d’emplois des collectivités se retrouve aujourd’hui plongé dans une crise sans précédent»

Rendus publics dans les prochaines semaines, les comptes administratifs des collectivités locales ne seront pas à appréhender comme de simples documents financiers. Pour les communes et intercommunalités notamment, ils offriront une vue d’ensemble sur les grands équilibres comptables à mi-mandat, mais traduiront aussi les bouleversements qui impactent l’action publique locale : transition écologique avec les objectifs de non artificialisation des terres, nouveaux besoins liés à la révolution du numérique, accentuation des interdépendances territoriales bien sûr, mais aussi leçons à tirer des bonnes pratiques, innovations ou freins qui se sont révélés lors de la crise sanitaire.

Au-delà, c’est du côté des tableaux des effectifs et des emplois qu’il faudra cette fois tourner le regard. Les collectivités locales sont confrontées à un choc sans précédent de leurs ressources humaines. Plus de 50 000 emplois publics seraient vacants selon le gouvernement, et selon les propres mots du dernier baromètre RH des collectivités locales, un seuil critique a été franchi dans les tensions de recrutement pour les communes et intercommunalités.

Cette situation inédite n’est pas sans conséquence sur la conduite des politiques publiques. D’ores et déjà, la qualité du service rendu aux usagers est impactée dans les nombreux territoires qui subissent une pénurie de personnels dans plusieurs métiers, au premier rang desquels les agents de la petite enfance ou d’entretien. Les investissements publics sont aujourd’hui entravés par une incapacité à délivrer le service, faute de personnel.

Concurrence. Ne penser qu’aux métiers dits « en tension » est d’ailleurs une erreur : c’est l’ensemble de la chaîne d’emplois des collectivités qui se retrouve aujourd’hui plongé dans une crise sans précédent. Les facteurs sont multiples : démographique avec les déséquilibres de la pyramide des âges, économique avec la perte d’attractivité de la fonction publique et la concurrence du secteur privé, mais aussi technique et professionnelle avec les besoins de nouvelles compétences.

Pour y répondre, les collectivités ont d’abord les moyens de renforcer leur attractivité en développant leur marque employeur et en mettant en avant les valeurs du service public, les conditions de travail et opportunités de carrière, ainsi que les projets innovants portés sur le territoire.

«Le recrutement est un investissement : il faut identifier des candidats qui apporteront non seulement une valeur ajoutée au travail quotidien mais aussi une efficacité à l’organisation à plus long terme»

Il faut passer d’une culture de gestion du personnel à une vraie stratégie de direction de ressources humaines. Un outil comme celui de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC) permet d’articuler les formations, les enjeux de mobilité internes et les savoir-faire. Malgré la sobriété financière, il y a urgence à engager de véritables moyens dans le développement des compétences des équipes. Nos enfants sont déjà nombreux à étudier dès l’école primaire les bases du codage : les plans de formation des agents territoriaux doivent aussi s’adapter aux nouveaux enjeux.

Mais relever ce défi humain appelle aussi à adopter des méthodes de recrutement plus agiles et ciblées. C’est la conviction défendue par l’OCDE dans son étude comparative Emplois et gestions publics 2021. Ce rapport trace l’ébauche d’un plan ambitieux : une fonction publique capable d’attirer, de fidéliser et de développer des talents à même de mettre les nouvelles technologies et l’innovation au service des populations.

Talents. Pour ce faire, l’approche du recrutement doit se faire aussi plus proactive. Le recrutement est un investissement : il faut identifier des candidats qui apporteront non seulement une valeur ajoutée au travail quotidien mais aussi une efficacité à l’organisation à plus long terme. Pour les cadres dirigeants par exemple, il convient d’accroître la variété des outils de recrutement et par conséquent des viviers de talents à solliciter en s’assurant de procédures d’embauche plus rapides.

Ce défi humain est une condition de réussite de l’action publique locale. Depuis quarante ans, la question des champs de compétences occupent les colloques, les débats législatifs et les congrès des associations d’élus. Une chose est sûre pourtant, quelles que soient les compétences de la collectivité, aucune ne peut grandir sans des agents compétents et engagés pour l’animer.

 

Lien de la Tribune sur L’Opinion : www.lopinion.fr/politique/les-collectivites-locales-a-lepreuve-du-defi-humain-la-tribune-de-hugues-anselin