LE POINT | Pourquoi les Zones à Faibles Émissions font paniquer les élus ?

Les zones de restriction de circulation doivent être instaurées avant le 1er janvier 2025… Et les élus sont inquiets.

Le calendrier de mise en place des ZFE inquiete les elus locaux

Les ZFE, zones à faibles émissions, mais aussi zones à forte exclusion ? Rassemblés à leur siège parisien ce mois de mai, la vingtaine de membres du Cercle des élus locaux, un think tank et organisme de formation pour les élus, s’arrachent les cheveux devant l’évidence : « On s’achemine vers un grand chaos », pestent ceux qui seront chargés de mettre en œuvre ces secteurs d’où les véhicules les plus polluants seront progressivement exclus, afin d’améliorer la qualité de l’air. Ces sulfureuses ZFE, sources de maux de tête pour les responsables politiques, seront rendues obligatoires d’ici le 1er janvier 2025 dans toutes les métropoles de plus de 150 000 habitants, soit 43 agglomérations en France. Générant des problèmes concrets, comme le décrit Thierry Hebbrecht, conseiller municipal d’opposition à Créteil : « Un habitant de ma commune est venu me voir en disant que, avec les ZFE, il ne pourrait plus se rendre au bois de Vincennes promener son chien comme il le fait tous les jours, car il devra traverser en voiture plusieurs zones interdites pour lui ! Ce n’est pas un exemple trivial, ces zones ont un impact sur la vie quotidienne. »

La mise en œuvre de ces zones relève donc du casse-tête, et ne déchaîne pas l’enthousiasme. Un sondage du cabinet Advent pour le Cercle des élus locaux décrit les Français comme n’étant « ni opposés ni motivés » à la perspective de la mise en place des ZFE. Deux tiers des Français disent connaître l’existence de ces zones. Parmi ceux qui savent ce qu’est une ZFE, deux tiers se disent favorables à leur mise en place, la moitié se dit prête à changer de voiture. Mais surtout… 86 % souhaitent que davantage de temps soit laissé pour trouver une solution alternative.

En effet, les ZFE constituent un changement majeur, aux multiples conséquences, lesquelles n’ont peut-être pas toutes été prises en compte : « Ces questions sont évoquées depuis longtemps, la France a déjà été condamnée pour ne pas avoir respecté ses obligations, pour autant le gouvernement n’a pas de ligne sur ce sujet », observe le sénateur les Républicains Jean-Baptiste Blanc.

L’élu du Vaucluse dénonce la « zizanie » provoquée par les ZFE, que chaque territoire organise à sa façon et avec son calendrier. Son collègue Stéphane Sautarel, élu dans le Cantal et lui aussi membre des Républicains, accuse quant à lui les lois liées aux ZFE d’être « bâties sur des intentions idéologiques, et sous le coup de condamnations, alors qu’elles sont impossibles à mettre en œuvre sur le plan pratique, et inacceptables sur le plan social. »

Les débats animés par Étienne Lengereau, maire UDI de Montrouge, mettent en lumière les contradictions autour des ZFE. La question de l’acceptabilité des mesures est centrale. De multiples élus voient dans les ZFE « une limite supplémentaire à la liberté d’un peuple déjà soumis à de nombreuses contraintes », avance Thierry Hebbrecht. Créer une ZFE, c’est entraver la liberté de circuler. Les élus planchent sur des solutions alternatives qu’ils jugent « pragmatiques » : « Certains véhicules anciens sont très bien entretenus par leurs propriétaires, on pourrait donc envisager de les laisser circuler en ZFE même sans les bonnes vignettes Crit’Air, suite à des contrôles supplémentaires », explique Pascal Tebibel, vice-président de la métropole d’Orléans.

Derrière la question de la liberté, l’enjeu est aussi celui du coût financier. Qui va financer la fin des véhicules thermiques ? Gardant en tête le mouvement des Gilets jaunes, né de la contestation des prix des carburants en 2018, Étienne Lengereau voit dans les ZFE « une bombe à retardement sociale ». « Avec l’agrandissement du parc électrique se poseront inévitablement des questions d’infrastructures, avec les bornes de recharge sur l’autoroute, ainsi que des problématiques du prix du kilowattheure », craint pour sa part le sénateur Stéphane Sautarel. Les élus appellent à trouver des alternatives pour que les ZFE ne se transforment pas en nouvel objet de contestation.